Crédit : les consommateurs pourraient être moins bien protégés à l'avenir
Le gouvernement envisage de modifier la réglementation en matière de crédit. Il entend supprimer certaines obligations faites aux organismes. La raison : un excès de normes qui pénaliserait les entreprises sans réelle protection pour le consommateur. Les associations s'insurgent contre ce projet discrètement présenté cette semaine au Sénat.
Le crédit trop normé !
Depuis juillet 2010 et la fameuse loi Lagarde, le crédit est strictement encadré. De nombreux décrets se sont égrenés au fil des mois, la dernière touche à la réforme intervenant via la loi Hamon de mars 2014. La réglementation a renforcé l'information à destination des consommateurs, obligeant tous les organismes de crédit à utiliser un langage formalisé sur tous les supports publicitaires. Chacun connaît désormais la fameuse mention bien visible et insérée dans un encadré spécifique : "le crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager". Les publicités doivent aussi comporter des informations précises sur le taux de crédit et le coût total du financement exprimé par le TAEG (Taux Annuel Effectif Global), également stipuler que l'emprunteur bénéficie d'un délai de réflexion de 10 jours. Avant d'accorder un crédit, le prêteur doit vérifier la solvabilité de l'emprunteur et s'assurer qu'il n'est pas inscrit au FICP (fichier des incidents de paiement). La loi a notamment imposé des normes strictes à la commercialisation du crédit renouvelable, accusé par de nombreuses associations de consommateurs de favoriser les situations de surendettement.
L'objectif de la réforme sur le crédit était bien de lutter contre le surendettement en responsabilisant à la fois les prêteurs et les emprunteurs, tout en garantissant à ces derniers une plus grande protection.
Une mesure en conflit avec l'intérêt général
La France est un pays gangréné par les normes, mais de là à lâcher du lest au détriment du consommateur, personne ne l'avait vu venir. En toute discrétion, le gouvernement a présenté au Sénat le vendredi 26 octobre un projet de loi visant à supprimer les messages de prévention, ainsi que l'obligation faite au prêteur, en matière de crédit renouvelable, de procéder à une vérification complète de la solvabilité de l’emprunteur tous les trois ans. L’État estime qu'il y a "sur-transposition" de la directive européenne concernant les contrats de crédit aux consommateurs, en clair, la France va plus loin que ce que demande l'UE. La mesure est inscrite dans un projet de loi visant la suppression des sur-transpositions de directives européennes en droit français, celui-ci a été adopté en séance plénière le 7 novembre dernier. L'article qui visait à alléger les contraintes en matière de publicité relative au crédit a finalement été abandonné.
D'après le rapport d'une commission d'enquête, cette exigence supplémentaire est perçue comme une "source de blocage, générant des incompréhensions chez les emprunteurs qui, souvent, ne sont pas coopératifs". Cette sur-transposition a également été dénoncée au rapporteur de la commission par les représentants des entreprises entendus en audition. Par entreprises il faut comprendre les banques.
Dans une interview sur BFM TV, Serge Maître, porte-parole de l'Afub, l'Association française des usagers des banques, exprime son indignation face à un projet qui s'apparente à un "cadeau aux banques". La réglementation échappe bien souvent au consommateur, le dispositif de "pédagogie active" a été conçu pour amener ce dernier à cette conscience de l'engagement que suppose le crédit. Il rappelle que les prêteurs hexagonaux se portent bien, puisque la France est le seul pays européen où le crédit connaît une telle croissance.
Par Gerard Mihranyan, le vendredi 9 novembre 2018