Crédit immobilier : la Cour de justice de l'UE saisie sur la question de la domiciliation des revenus
Les banques françaises ont le droit d'imposer la domiciliation des revenus aux emprunteurs immobiliers, une règle sur laquelle la Cour de Justice de l'Union Européenne doit se prononcer suite à la demande du Conseil d’État.
Domiciliation des revenus : un abus de pouvoir
Depuis le 1er janvier 2018, une banque peut exiger, pour accorder le crédit, que l'emprunteur domicilie ses salaires ou revenus assimilés sur une durée maximale de 10 ans en contrepartie d'un avantage individualisé clairement stipulé dans l'offre de prêt (par exemple taux préférentiel ou gratuité des frais de dossier)*. Si l'emprunteur ne respecte pas l'engagement de domiciliation, il perd l'avantage consenti sur l'ensemble des échéances restantes.
Avant que le législateur s'empare du sujet, l'obligation de domiciliation des revenus sur toute la durée du crédit était largement pratiquée par les établissements bancaires. Désormais cette contrainte ne peut excéder 10 ans, tout en étant assortie d'un "cadeau". Si la mesure semble favoriser les consommateurs, sa durée paraît excessive considérant que la durée réelle de remboursement d'un prêt oscille entre 8 et 10 ans. Selon l'Afub (Association française des usagers de banques), cette réglementation est un "excès de pouvoir" et contrevient à la mobilité bancaire introduite par les directives européennes. A la parution du décret, Serge Maître, président de l'Afub, avait dénoncé une réglementation incitant à généraliser cette pratique qui rend le client captif de sa banque. La seule solution reste alors de rembourser le prêt par anticipation, ce qui peut coûter jusqu'à 6 mois d'intérêt pour l'emprunteur.
Domiciliation des revenus : contraire au droit européen
En août 2017, L'Afub avait demandé au Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative française, l'annulation du décret relatif à la domiciliation des revenus lors d'une demande de prêt immobilier. Elle avait en parallèle saisi la Commission Européenne pour non-respect du droit européen, qui, rappelons-le, est toujours supérieur au droit d'un État membre. Selon une décision du Conseil d’État publiée mercredi 5 décembre, la question est renvoyée à la Cour de Justice de l'Union Européenne.
La juridiction communautaire devra statuer prochainement sur un éventuel défaut de conformité du décret à la directive européenne n°2014/92/UE du 23 Juillet 2014 dont un des principes est de "soutenir une mobilité financière efficace et aisée à long terme".
réf/décret n°2017-1099 de juin 2017
Par Gerard Mihranyan, le vendredi 7 décembre 2018