19/09/19

Immobilier : la stabilité financière des banques menacée par les taux bas

Les taux d'intérêts sont descendus à un niveau si bas que le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) s'en inquiète. L'institution prévoit une vigilance accrue sur le crédit immobilier, produit d'appel des banques, et rendra fin septembre un rapport sur les risques encourus par les établissements bancaires et sur les solutions visant à les contenir.

Le crédit immobilier à plein régime

La chute des taux d'intérêt fait le bonheur des emprunteurs français. Jamais les taux n'ont été aussi faibles, facilitant l'accès au crédit immobilier à bon nombre de foyers auparavant désolvabilisés. En août dernier, le taux moyen toutes durées confondues s'établissait à 1,17% (hors assurance et coût des sûretés), un nouveau record historique et le quatrième en quatre mois consécutifs (Observatoire Crédit Logement/CSA). C'est le 15ème de suite que les taux sont inférieurs au rythme de l'inflation. La moitié des ménages qui empruntent sur 15 ans bénéficient d'un financement à moins de 1%. Emprunter actuellement sur une durée longue (au-delà de 20 ans) n'est plus synonyme d'endettement excessif : on s'endette en moyenne autour de 1,34% sur 25 ans, contre 3,70% en décembre 2012. Cela explique la structure de la production, amenant la part des durées longues à un niveau inédit : 42,5% des prêts immobiliers à l'accession se concluent actuellement sur 25 ans et plus, la proportion sur ces maturités n'était que de 15% en 2014.

Résultat, l'activité progresse. En août 2019, sur un rythme annuel glissant, le montant de la production de crédits à l'habitat a bondi de 10,7% et le nombre de prêts accordés a augmenté de 3%. Il faut remonter à mi-2011 pour retrouver un tel dynamisme.

Le niveau d'endettement du secteur privé au plus haut

Ce qui fait l'affaire des emprunteurs n'est pas du goût du HCSF, institution qui rassemble autour de Bercy et de la Banque de France tous les organismes français de contrôle de la sphère financière, à savoir l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) et l'Autorité des Normes Comptables (ANC). Selon le HCSF, l'endettement du secteur privé non financier (ménages et entreprises) atteint désormais 133,2% du PIB au premier trimestre 2019, "un taux élevé et supérieur à la moyenne de la zone euro". La faute est imputable à la baisse des taux longs au sein de l'UE et au niveau mondial, intervenue en début d'été et qui s'est poursuivie depuis. Le Haut Conseil observe "le maintien global de risques significatifs pour la stabilité financière" lié à la progression soutenue de l'endettement des particuliers et des entreprises. 

Un contexte anxiogène

L'inquiétude exprimée par le HCSF est nourrie, il est vrai, par le contexte d'incertitude particulièrement élevée quant à l'économie en zone euro, accentuée par la menace appuyée du Brexit. Le cocktail est explosif : les taux obligataires en territoire négatif depuis juin 2019 érodent les marges des banques, tout en détruisant les rendements de l'assurance vie et encourageant les investisseurs vers les placements risqués ou au contraire totalement sécurisés (Livret A, comptes à vue). Un Brexit sans accord plane toujours comme une épée de Damoclès sur l'économie de la zone euro, également sur les banques qui peinent à appréhender tous les enjeux d'une sortie, avec ou sans accord, du Royaume-Uni de l'UE. 

Bien décidée à tout faire pour relancer l'économie européenne qui tourne au ralenti depuis l'an dernier, la Banque Centrale Européenne (BCE) a engagé une nouvelle phase d'assouplissement monétaire au sein de la zone euro. La semaine dernière, elle a encore une fois baissé le taux de dépôts de 10 points, qui passe désormais à -0,50%. Ce taux directeur, qui fixe la rémunération des banques lorsqu'elles placent leurs liquidités auprès de la BCE, est négatif depuis 2014, un tel seuil ayant pour objectif d'inciter fortement les établissements de crédit à prêter. L'équation est simple : soit elles financent les projets des entreprises et des particuliers, quitte à récolter de faibles marges, soit elles perdent de l'argent. C'est la stratégie de financement de l'économie par l'emprunt, une politique qui rend les banques vulnérables, notamment sur le segment des crédits immobiliers, et oblige le HCSF à redoubler de vigilance. L'institution a indiqué le 10 septembre dernier qu'elle comptait présenter un rapport sur le financement de l'immobilier résidentiel et "étudier le cas échéant les modalités d'actions pertinentes et proportionnées pour contenir ces risques".


Hervé Labatut

Par , le jeudi 19 septembre 2019


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