Crédit immobilier : préserver le modèle français
De nouvelles normes prudentielles en matière de crédit immobilier inquiètent les professionnels tout comme le gouvernement français. Le Comité de Bâle, l'organe international qui régule le système financier mondial, a pour ambition de réduire les risques liés aux prêts immobiliers et d'imposer aux banques de nouvelles règles d'octroi. Une menace pour le modèle français.
Renforcer les fonds propres
En 2010, les accords de Bâle III avaient pour objectif de réduire le risque systémique après le choc boursier de 2008, et pour ce faire les banques étaient encouragées à renforcer le niveau et la qualité de leurs fonds propres. Ces règles avaient été transposées en droit communautaire européen par l’intermédiaire d’une directive dite CRD 4 (Capital Requirements Directive 4). Le Comité de Bâle souhaite la mise en place d'une nouvelle réglementation, dite "Bâle IV", afin de sécuriser davantage le bilan des banques. Ces mesures qui n'interviendront pas avant 2019 inquiètent les professionnels français, car elles les obligeraient à augmenter considérablement leurs fonds propres au risque de menacer la distribution de crédits immobiliers aux particuliers. Bâle IV engendrerait un durcissement des conditions d'octroi des prêts immobiliers pour limiter les défauts de paiement.
Le modèle français menacé
Pour bien comprendre l'enjeu, il faut revenir sur la méthode utilisée pour accorder un crédit immobilier. En France, pays où les défauts de paiement sont marginaux, le montant du capital emprunté est calculé en fonction de la capacité de remboursement de l'emprunteur, c'est-à-dire que son taux d'endettement ne doit pas excéder un tiers de ses revenus. Dans la majorité des autres pays, c'est la valeur du bien acheté qui détermine le montant du prêt, d'où le risque pointé par Bâle qu'en cas de défaut de paiement le bien ne soit revendu à perte. Si Bâle IV semble légitime au regard des pratiques extérieures à la France, dans notre pays il ne semble pas nécessaire de durcir les règles. Dans cette hypothèse, les primo-accédants, ainsi que les ménages à faibles revenus avec peu ou pas d'apport personnel, pourraient ne plus avoir accès au crédit, car les banques, obligées de bloquer plus de 50% du capital emprunté dans leurs fonds propres au lieu des 20% habituels, seraient peu motivées à leur accorder un financement.
Le 18 mai dernier, les sénateurs ont adopté une proposition de résolution visant à protéger le système du crédit immobilier français dans le cadre des négociations de Bâle.
Par Gerard Mihranyan, le mardi 24 mai 2016