Quels sont les risques à emprunter sur le très long terme ?
En France, près de 68% des crédits immobiliers courent sur une durée supérieure ou égale à 20 ans, dont 36% sur 25 ans et plus. Depuis janvier 2018 on observe le retour des très longues durées, un phénomène favorisé par le niveau bas des taux d'intérêt. Est-ce judicieux d'emprunter sur 25, voire 30 ans ? Quels en sont les risques ?
Allongement de la durée d'emprunt
En août 2018, le taux moyen toutes durées confondues s'est établi à 1,43% (hors assurance)*. La moyenne tombe à 1,42% pour les prêts avec une maturité de 20 ans, elle monte à 1,64% si l'on s'endette sur 25 ans et à 2% sur 30 ans. La durée moyenne des prêts accordés est de 223 mois soit 18 ans et 7 mois. Depuis 2014, elle s'est accrue de 18 mois dont 5 pour la seule année 2018.
L'allongement de la durée moyenne d'emprunt depuis début 2018 est la conséquence de la dégradation des soutiens publics à l'acquisition immobilière : désormais moins solvables, les ménages modestes en primo-accession doivent s'endetter sur un plus long terme. Quand on parle de très longues durées, tout est relatif. En Suède, l'échéance moyenne sur les prêts immobiliers était estimée à 140 ans en 2015 ! Mais rien de comparable avec la France : là-bas, 60% des crédits sont in fine et la fiscalité immobilière est hyper attractive (pas d'impôt sur la plus-value si l'on vend pour acheter).
Qui peut emprunter sur le très long terme ?
Les banques n'hésitent plus à consentir des crédits d'une durée supérieure à 20 ans pour faciliter l'achat immobilier des jeunes ménages. La faiblesse des taux permet de compenser la hausse des prix des logements, et surtout l'attractivité des taux longs renchérit dans une moindre mesure le coût global du crédit.
L'âge est le premier critère pour accéder aux longues durées : il faut avoir moins de 40 ans pour pouvoir s'endetter sur 25 ou 30 ans, le prêt étant soldé avant la retraite. Pour les jeunes actifs, se financer sur le long terme présente trois avantages :
- emprunter une somme plus importante
- ajuster au mieux le reste à vivre
- emprunter avec très peu ou sans apport.
Plus c'est long, plus c'est risqué !
L'allongement de la durée d'emprunt augmente de fait la prise de risque pour le prêteur. Le taux d'intérêt rémunère celui-ci pour son offre de financement, ce taux étant d'autant plus élevé que l'engagement s'étire dans le temps. Le niveau actuel des taux facilite l'accès au crédit, mais présente le risque de fragiliser à long terme les ménages endettés dans une société où chacun est exposé à la mobilité et au changement de situation professionelle comme familiale. Financer un bien immobilier sur le très long terme a une autre incidence : celle de devoir s'endetter encore plus pour payer des travaux de rénovation alors que les mensualités du premier emprunt courent encore.
*chiffres de l'Observatoire Crédit Logement
Par Hervé Labatut, le mardi 25 septembre 2018