Plafonnement des frais bancaires : que dit la loi ?
Il y a quelques jours, "60 millions de consommateurs" révélait les procédures de surfacturation des commissions d'intervention des Caisses d’Épargne et des Banques Populaires. Des pratiques éhontées qui ont donné lieu sans tarder à des contrôles sur le terrain par l'ACPR, obligeant les deux banques incriminées à revoir leur dispositif de tarification. Cette affaire calamiteuse ne manque pas d'ironie, au moment même où le ministre de l’Économie Bruno Le Maire vient d'accorder sa confiance aux banques s'agissant du plafonnement des frais d'incidents de paiement.
Frais d'incidents "illégaux" ponctionnés par le groupe BPCE
Dans son magazine d'octobre, "60 millions de consommateurs" a mis à jour les pratiques scandaleuses de certaines banques pour surfacturer des frais d'intervention. Si le compte est dans le rouge en fin de journée, la banque applique des frais sur toutes les opérations, y compris sur les paiements qui créditaient le compte. Chaque ligne fait l'objet d'une commission d'intervention de 8€, avec, pour résultat, une facturation des frais bancaires sur des incidents qui n'en sont pas. Le groupe BPCE auquel appartiennent les Caisses d’Épargne et les Banques Populaires a reconnu pratiquer cette tarification dans toutes ses agences. Le Crédit Mutuel est coupable du même procédé. À la décharge de ces établissements, aucune commission n'est facturée si le compte termine dans le vert, même en cas de solde débiteur en cours de journée.
Protéger les populations les plus fragiles
Selon la définition du Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF), une commission d'intervention sanctionne « une irrégularité de fonctionnement du compte nécessitant un traitement particulier ». Prélever des frais sur une opération créditrice s'avère donc illégitime, mais ce procédé, s'il semble immoral, n'est pas illégal, puisque aucune loi n'encadre les frais bancaires.
Pour protéger les publics les plus fragiles, ceux qui sont les plus exposés aux frais d'incidents bancaires, la loi oblige les banques à leur proposer l'offre spécifique "clients fragiles" (OCF). Mis en place en 2014, ce dispositif concerne les personnes en situation de fragilité financière afin de limiter les frais en cas d'incident de paiement. Un décret* liste les services qui doivent être proposés dans le cadre de l'OCF, notamment le plafonnement des commissions d'intervention à 4€ par opération et à 20€ par mois. Malheureusement certains réseaux bancaires omettent de conseiller cette offre au public concerné, et se gardent bien de la rendre visible sur leur site internet.
Engagement des banques à plafonner les frais d'incident
Quatre ans après son lancement, l'offre dédiée aux particuliers les plus modestes ne bénéficie qu'à 375 000 personnes, soit environ 10% du public éligible. Début septembre le secteur bancaire s'est engagé à promouvoir davantage l'offre réservée à cette clientèle. Les frais en cas d'incident bancaire ne pourront excéder 20€ par mois et 200€ par an. Le dispositif permettra de protéger les plus fragiles des excès de commissions d'intervention, mais aussi des frais de rejet de chèque, de virement ou de prélèvement. Ce plafonnement entrera en vigueur au cours du 1er semestre 2019. Espérons que l'avenir démentira la célèbre citation d'Henri Queuille : "Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent".
* Décret n° 2014-738 du 30 juin 2014 relatif à l'offre spécifique de nature à limiter les frais en cas d'incident
Par Gerard Mihranyan, le lundi 8 octobre 2018